Influentia : la place de l’influenceur au cœur de la société (1/3)

Le Moyen-Âge nous a nourri d’une flopée d’histoires et de mythes prétendant répondre aux questions existentielles que nous nous posons encore aujourd’hui. L’on croyait notamment que les astres influaient sur le destin des Hommes, un phénomène intitulé Influentia. Aujourd’hui de nouvelles étoiles pèsent sur les décisions des individus : les influenceurs. Nous reviendrons, à travers ces trois articles sur l’impact et les dérives engendrées par ces nouveaux piliers de la communication.

« Miroir, Miroir, dis-moi qui est le plus influent. »

Les influenceurs sont devenus le reflet des idéologies populaires grâce à une légitimité née de millions de clics innocents. La diversité sans bornes de ces représentants, inconsciemment élus à des postes clefs, leur donne droit de parole au sein du nouvel agora de nos sociétés : la sphère médiatique.

Lorsque nous nous abonnons à un créateur de contenu, que ce soit pour sa capacité à nous divertir, en reconnaissance de sa créativité ou de sa vision du monde, nous en venons à voter pour lui. Avec cet acte, des plus banals, nous accréditons ses idées en exposant son message, renforçant ainsi l‘impact des suivants. En effet une personne sera le plus souvent invitée à s’exprimer si elle peut témoigner d’une expertise dans un domaine ou si par ses paroles et sous couvert de son travail elle se montre capable de rassembler un nombre d’individus conséquents. L’influenceur en vient ainsi à s’exprimer sur tous les sujets ce qui peut sembler banal et anodin dans un État de droit, mais qui implique de grandes responsabilités.

Une perception biaisée

Cela peut parfois s’avérer très positif comme dans le cas des derniers mouvements de révoltes, visant à faire évoluer les mentalités. Récemment, de nombreux influenceurs se sont ainsi ralliés au mouvement « Black Lives Matter » en communicant sur le sujet, voire en retransmettant les vidéos prises aux cours des manifestations sur leurs comptes. Certains ont également partagé des sources de films ou de livres en lien avec le sujet des violences policières pour alimenter le débat et permettre à leurs communautés d’y réfléchir.

Le #BlackLivesMatter totalise près de douze milliards de vue uniquement sur TikTok et des centaines de milliers de publications traitent du sujet. Vidéos contre le racisme, appel à la protestation et message promouvant l’égalité des peuples, le thème est abordé sous tous les angles, ce qui permet au mouvement de prendre en ampleur et en visibilité. Mais les influenceurs ont un impact fort et les dérives se payent cher. Ces derniers sont souvent sacralisés par leur communauté qui les élève aux rangs d’idoles. En témoigne les foules rassemblées lors des rencontres abonnés et l’importance que peut prendre une simple photo ou un autographe pour un fan. Les dires de ces personnalités bénéficient ainsi d’un effet de halo, biais cognitif qui pervertit la perception que nous avons des autres.

Les scandales qui ont éclaboussés certains YouTubeurs en 2018 en ont été une bonne illustration. À la suite d’un Tweet dénonciateur de Squeezie, le #Balancetonyoutubeur est né sur les réseaux sociaux, reprochant à certains vidéastes d’avoir utilisé leur notoriété pour abuser sexuellement de jeunes abonnées psychologiquement vulnérables.

Que les accusés soient coupables ou non n’est pas le plus important, sans procès il est encore impossible d’en être certains. Le point surprenant est la magistrale levée de boucliers de la part des communautés concernées. Les différents abonnés ne connaissent en réalité les réalisateurs qu’au travers du prisme de leurs vidéos, un monde de mise en scène. Naïvement, il aurait été logique de penser que quiconque, en l’absence de rapport de proximité s’abstiendrait de donner un avis, fondé au mieux sur un a priori…. C’est évidemment tout le contraire qui s’est produit. Les communautés ont défendu corps et âmes leurs idoles, préjugeant de leur incapacité à accomplir de tels actes. Amadoués par l’apparente sympathie d’une célébrité, son physique ou son humour, on en vient à lui attribuer des qualités qu’il n’a jamais démontrées en se forgeant une image biaisée de la personne. Cette surévaluation d’un individu lui octroie une certaine légitimité dans des domaines où son expertise est nulle et potentiellement orientée.

L’influenceur influencé

Le « Democratic Congressional Campaign Committe » (DCCC) se définit comme « l’unique comité politique des États-Unis dont la principale mission est le support des candidats à la chambre démocratique ». Selon Reuters il aurait récemment subventionné des influenceurs pour que ces derniers incitent leurs abonnés à aller voter. L’objectif semble noble : remédier à la hausse d’un abstentionnisme récurrent et permettre aux prochaines élections d’être les plus représentatives possibles. Avec la confiance qui leur est accordée, les influenceurs devraient avoir plus d’impact que l’État ou quelconque politique. Ils sont donc chargés de transmettre un message positif qui touchera une nouvelle branche de la population, souvent trop peu politisée.

Toutefois, cette influence peut servir un but plus discutable. En invitant un influenceur à prendre part à une campagne, on s’assure du vote d’une grande partie de sa communauté. Les candidats ne sont alors plus élus pour un programme, mais pour les partenariats qu’ils auront réussi à conclure.

Michael Bloomberg a ainsi proposé 150 dollars à Alycia Chrosniak, une blogueuse spécialisée dans les voyages et la gastronomie, pour qu’elle encourage ses fans à voter pour le milliardaire en expliquant au passage les raisons de son « choix ». L’Instagrammeuse a refusé, ne partageant pas les idées du candidat, mais l’on peut se demander si tous sauront faire preuve de la même éthique, notamment face à des sommes plus importantes.          

La désinformation et les tentatives de déstabilisation d’autres puissances dans les élections sont d’autres facettes non négligeables du pouvoir des influenceurs. Les probables ingérences russes dans les dernières élections présidentielles américaines ont laissé place à une certaine paranoïa dans la mise en place des prochaines.

Christopher Wray, directeur du FBI, annonçait en février que les efforts de désinformation étrangers n’avaient jamais cessé, et restaient selon lui une « menace 24h/24 7j/7 ». Appuyés d’influenceurs peu scrupuleux, ces tentatives peuvent prendre une ampleur considérable, représentant un réel danger pour la démocratie.F

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