Influentia : la place de l’influenceur au cœur de la société (3/3)

Le Moyen-Âge nous a nourri d’une flopée d’histoires et de mythes prétendant répondre aux questions existentielles que nous nous posons encore aujourd’hui. L’on croyait notamment que les astres influaient sur le destin des Hommes, un phénomène intitulé Influentia. Aujourd’hui de nouvelles étoiles pèsent sur les décisions des individus : les influenceurs. Nous reviendrons, à travers ces trois articles sur l’impact et les dérives engendrées par ces nouveaux piliers de la communication.

Des influenceurs et des hommes

L’étude Drawing, présentée au forum de Davos en 2018, révélait qu’au Royaume-Uni devenir influenceur occupait la troisième position au classement des métiers de rêve des 7-11 ans, devant policier et chanteur. Cette illustration de l’importance que revêt cet emploi encore trop nouveau et incompris au sein de nos sociétés est frappante et il nous revient de questionner son bienfondé.

L’instabilité du marketing d’influence se cache dans l’essence même de ce domaine : l’aspect humain des échanges. Il a beau se montrer percutant et présenter de nombreux avantages, c’est une manière de communiquer risquée. Certains facteurs comme les bad buzz sont quasiment incontrôlables et d’autres, tel que l’affinité entre la marque et l’influenceur, sont à contrôler.

Trop souvent, des campagnes de promotions obtiennent l’inverse de l’effet escompté. Elles entachent votre image de marque parfois à l’encre indélébile, et vos efforts, votre argent et la confiance durement gagnée auprès de votre public volent en éclat. Ces échecs sont souvent dus à des erreurs de communication ou des mauvais choix de partenariats.

S’associer pour le meilleur et pour le pire…

La pléthore d’influenceurs qui alimente quotidiennement nos réseaux sociaux est à l’image des centres d’intérêts des consommateurs : aussi variée qu’étendue. Il est donc crucial de savoir choisir le bon, l’objectif devant rester la conversion avant l’exposition.

En effet les entreprises, séduites par une communauté nombreuse, portent parfois leur choix sur un influenceur qui ne représente aucunement les valeurs de leur marque. Ainsi Nabilla, candidate de télé-réalité, a servi à promouvoir les services d’une société de placement en bitcoin. La publication de cette dernière, vêtue d’un peignoir reste, encore aujourd’hui, un choix discutable.

En 2017, la Youtubeuse beauté Sananas, aux trois millions d’abonnés a réalisé une vidéo d’une quarantaine de minutes, détaillant son régime alimentaire et ses astuces minceur. Ses conseils ne plairaient certainement pas à un nutritionniste et l’influence de la vidéaste qui mettait en avant des plats industriels a été très vivement critiquée. Cachés dans la description de la vidéo (modifiée depuis), certains produits comme les compotes St Mamet, s’avéraient être des partenariats. L’absence d’impartialité et de transparence sur certains produits a déplu, engendrant un bad buzz autour de la vidéaste et de la marque.

Ces tentatives de dissimulation sont courantes, Blogovin comptabilisait ainsi 300 000 publicités déguisées en posts Instagram pour le seul mois de juin 2017. La responsabilité incombe deux acteurs : les marques qui demandent de la discrétion partant d’un a priori selon lequel l’authenticité prévaut et les influenceurs qui souhaitent s’épargner la critique et la déception de leur communauté.

C’est oublier que sur Internet, tout se sait. Les internautes sont trop nombreux pour que ces tentatives de fraude passent inaperçues et l’on finira nécessairement par s’attirer les foudres des consommateurs.

Autre dérive due aux partenariats : le mutisme imposé aux influenceurs. Se lier avec une marque les empêche parfois de s’exprimer sur certains sujets, sous peine de perdre leurs revenus et l’intérêt des entreprises. C’est en partie ce que dénonce cet article de Mediapart sur le mouvement #BlackLiveMatters.

Des blogueurs ou vidéastes s’y expriment et si certains assument leur engagement, déjà reconnu par les marques auparavant, d’autres s’inquiètent. Pour ne pas froisser leurs abonnés ou perdre l’estime de marques qui les jugeraient « trop polémiques », certains influenceurs refusent de s’exprimer sur le sujet, alors qu’ils souhaiteraient soutenir le mouvement.

Les faux influenceurs

Comme nous l’évoquions dans l’article précédent, il n’est plus possible de rémunérer un influenceur en échantillon gratuit, comme c’était le cas aux aurores du marketing d’influence. Les créateurs ont désormais un prix basé sur leur nombre d’abonnés et sur la manière dont ils mettront l’entreprise en avant. Kolsquare a récemment publié un tableau récapitulatif des différents types d’influenceurs et de leur prix moyen.

On apprend ainsi qu’un micro-influenceur (entre dix et cent mille abonnés) peut toucher entre 120 et 1500 euros pour un post Instagram alors que pour les créateurs les plus suivis, dépassant les trois millions d’abonnés, une publication peut se vendre plusieurs centaines de milliers d’euros.

En France, où l’authenticité réelle ou prétendue prime, l’impact des micro-influenceurs, capables de toucher un public de niche est sans équivoque. Leur proximité permet de multiplier le taux d’engagement par deux ou trois fois pour un coût moyen de campagne de 45 000 euros. Le spot télé dépassant lui les trois-cent mille euros.

Cette professionnalisation du métier d’influenceur engendre forcément des dérives et avec l’émergence de cette pratique naissent bon nombre d’escrocs. Au moins 20% des influenceurs pratiquent ainsi la fraude aux chiffres. Les abonnés, likes et commentaires ne sont en réalité que des bots et autres comptes fantômes.

Attirer des abonnés est souvent le fruit d’un long travail de création, de discussion et d’échange. Gonfler ainsi ses vues permet d’attirer des marques afin de leur vendre des spots publicitaires facilement grâce aux fermes à clic par exemple.

Problème pour les marques, le taux de conversion et quasiment nul et l’argent investi en publicité est gâché. C’est un des grands défis de ce nouveau marketing, car ces acteurs sont encore difficiles à différencier et au fur et les outils permettant de les détecter évoluent à la même vitesse que ceux dédiés à la fraude.        

De nombreux acteurs communiquent autour de ce sujet. Guillaume Ruchon a par exemple réalisé une vidéo où il analyse le trafic de certains comptes recommandés par sa communauté. Il explique au passage comment utiliser certains logiciels comme Social Blade ou Hype Auditor pour les démasquer, mais d’après lui cette tâche reste ardue.

Il est évidemment impossible de couvrir tous les sujets liés aux influenceurs, les opportunités, les changements apportés dans nos quotidiens mais aussi (et surtout) les dérives sont trop nombreuses et en constante évolution.

Avec ces trois articles, une chose saute tout de même aux yeux : il n’est aucun secteur qui soit épargné par ce phénomène. Les lignes bougent de la plus belle comme de la plus inquiétante des manières et il sera important de surveiller leur évolution à l’avenir.

On voit déjà que ce sujet est de mieux en mieux encadré, avec la loi sur les enfants influenceurs par exemple.

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