Pourquoi les entreprises demandent une pause dans le AI act ?

Carrefour, BNP Paribas, Airbus, TotalEnergies, ou encore Mistral AI, tous avaient initialement salué l’ambition de l’AI Act européen. Mais aujourd’hui, 45 grands groupes appellent à “lever le pied” sur sa mise en application. Dans une lettre ouverte adressée à la Commission européenne le 3 juillet, ils demandent un moratoire de deux ans. L’objectif serait d’éviter une mise en œuvre jugée difficile et précipitée, voire impossible dans l’état actuel des choses.

AI Act : qu’est-il attendu

Adopté en 2024, l’AI Act classe les systèmes d’IA selon leur niveau de risque (minimal, limité, élevé, interdit). Les IA dites “à haut risque” devront répondre à une série d’exigences strictes : transparence, sécurité, supervision humaine, robustesse, etc. Pour s’y conformer, les entreprises doivent s’appuyer sur des standards techniques censés servir de référence. Or, ces standards sont en cours de rédaction par le CEN et le CENELEC, et ne seront finalisés qu’en 2026.

Et pourtant, les échéances approchent :

  • Août 2025 : entrée en vigueur des obligations pour les modèles d’IA à usage général (GPAI).
  • Août 2026 : obligations pour les systèmes à haut risque. 

Concrètement, les entreprises devront prouver leur conformité sans référentiel clair, sans “présomption de conformité”. En clair : c’est à elles d’apporter la preuve, dans un flou réglementaire préoccupant.

Pression du secteur privé : “clock stop”

C’est dans ce contexte qu’un front commun d’acteurs européens appelle à un “clock stop”.  Mistral AI, l’un des leaders français de l’IA générative, valorisée à plus de 2 milliards d’euros, figurait pourtant parmi les entreprises censées tirer parti du cadre européen protecteur. Mais aujourd’hui, son cofondateur Arthur Mensch figure parmi les signataires de l’appel. Reconnue pour sa position en faveur de l’open source, la startup soulève une limite importante de l’AI Act : le flou persistant entre les régimes d’obligations imposés aux GPAI ouverts et propriétaires. 

Une quarantaine d’autres entreprises européennes de premier plan, issues des secteurs bancaire, énergétique, aéronautique, technologique, soutiennent cette demande. Parmi elles : Airbus, Carrefour, BNP Paribas, TotalEnergies, Siemens, SAP, Lufthansa, et bien d’autres.

Dans sa version actuelle, l’AI Act ne fait pas clairement la distinction entre les GPAI fermés, développés par des géants comme Google DeepMind (filiale d’Alphabet, connue pour ses modèles IA propriétaires de pointe comme Gemini), et les initiatives open source issues d’acteurs plus modestes ou communautaires. Résultat : les mêmes exigences légales pourraient s’appliquer à des projets aux ressources incomparables.

Or, cette absence de différenciation crée un paradoxe : une régulation pensée pour offrir un cadre protecteur aux acteurs européens émergents pourrait, faute d’ajustement, freiner leur développement. En voulant rééquilibrer la concurrence avec les géants américains, l’AI Act risque de pénaliser ceux qu’il voulait justement aider à grandir.

Réponse et enjeux pour les entreprises

Face à la pression, la Commission européenne tente de temporiser sans fléchir. Elle annonce plusieurs mesures d’accompagnement :

  • Création d’un AI Act Service Desk pour guider les entreprises
  • Lancement d’un “Digital Simplification Omnibus Package” d’ici fin 2025
  • Report possible du Code de conduite GPAI à la fin 2025

Mais une chose est claire : pas de pause.
Thomas Regner, porte-parole de la Commission, l’a martelé :

“A legal text is a legal text. Legal deadlines are legal deadlines.”
Et d’ajouter lors d’un point presse :
“Il n’y a pas d’arrêt du temps. Pas de délai de grâce. Pas de pause.”

Et maintenant ? Trois choses à retenir pour les entreprises :

  1. Anticiper coûte moins cher que subir
    Audits, documentation technique, évaluation des risques:  des leviers à actionner dès maintenant.
  2. Être en avance, c’est un avantage compétitif
    Les entreprises prêtes plus tôt inspireront plus de confiance aux régulateurs, partenaires et clients.
  3. Rester agile
    Suivre l’évolution des standards, adapter les stratégies d’investissement, profiter des simplifications à venir.

Derrière cette bataille réglementaire, un risque plane : celui de freiner l’innovation européenne. Trop de complexité pourrait provoquer une fuite des talents ou favoriser des hubs plus souples (États-Unis, Asie…).

Et sans ajustement, l’Europe pourrait faire face à une fragmentation réglementaire entre ses propres États membres.

Dans cette période d’incertitude, mieux vaut écouter avant d’agir : Netino vous aide à capter les signaux, à anticiper les changements et à rester un temps d’avance.

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