Influentia : la place de l’influenceur au cœur de la société (2/3)
Le Moyen-Âge nous a nourri d’une flopée d’histoires et de mythes prétendant répondre aux questions existentielles que nous nous posons encore aujourd’hui. L’on croyait notamment que les astres influaient sur le destin des Hommes, un phénomène intitulé Influentia. Aujourd’hui de nouvelles étoiles pèsent sur les décisions des individus : les influenceurs. Nous reviendrons, à travers ces trois articles sur l’impact et les dérives engendrées par ces nouveaux piliers de la communication.
Un nouveau pilier relationnel
Les nouvelles technologies ont démultiplié les moyens d’échange entre les marques et les consommateurs et ont, de la même manière, contribué à les réduire. Un corollaire paradoxal s’est ainsi établi : plus il est facile pour une entreprise d’atteindre un individu, plus celui-ci souhaite s’en éloigner. Il a donc fallu développer de nouveaux moyens de toucher le public, souvent lassé de l’omniprésence de la publicité dans sa vie quotidienne.
L’influenceur monétise le lien qu’il a bâti avec sa communauté en servant de passerelle entre les marques et un groupe d’individus réunis autour d’un ou plusieurs centres d’intérêts. Le recours presque systématique à un créateur de contenu dans une campagne de communication et l’ampleur qu’a pris ce marché au cours des dernières années font de cette activité un véritable métier.
Le marketing d’influence devrait représenter 22,3 milliards de dollars en 2024 contre à peu près 10 milliards aujourd’hui. Depuis une dizaine d’années les entreprises plébiscitent ce mode de communication auquel elles consacrent en moyenne 10% de leur budget marketing, certaines comme Estée Lauder allant même jusqu’à 75%. Entre 2018 et 2019, un tiers des marques sondées par Reech prévoyaient une augmentation de ce budget.
Les influenceurs, dernier lien avec la jeunesse
Ils sont présents sur presque tous les réseaux sociaux, bien qu’Instagram et YouTube soient prédominants. En partageant leur travail ou en étant médiatisés, à travers des émissions de télé-réalité par exemple, les influenceurs ont su rassembler nombre d’inconnus autour de leur domaine de prédilection : le maquillage, les jeux vidéo ou le sport… Ils sont souvent perçus comme des personnes de confiance et entretiennent un lien fort avec leurs fans.
Vous en avez très probablement entendu parler tant l’événement a pris de l’ampleur, mais un bon exemple de l’importance d’un influenceur pour sa communauté se retrouve dans la guerre entre Pewdiepie et T-Series. L’humoriste représentait l’essence même de la plateforme dont il était numéro un : un jeune ayant réussi en travaillant depuis sa chambre. Pour la première fois il allait être dépassé en nombre d’abonnés par une multinationale indienne.
Pour maintenir Pewdiepie en tête, les abonnés ont investi du temps et des sommes d’argent colossales. Ils ont, entre autre, loué des écrans sur Time Square, l’intégralité des panneaux publicitaires d’une ville ou hacké plus de 50 000 imprimantes et 60 000 télévisions pour y afficher des messages de soutien. Il finira tout de même par être dépassé mais après avoir conservé sa place près d’un an et gagné plus de trente millions d’abonnés.
Ce lien fort entre un influenceur et sa communauté, qui apprécie son travail et reconnaît ses conseils, créera toujours plus d’engagement qu’à travers tout autre support. Un phénomène particulièrement vrai en France, où le taux d’engagement relatif au marketing d’influence est de 19% supérieur à la moyenne mondiale.
La mise en avant d’un produit par une de ces célébrités permet en plus un ciblage précis d’une partie des consommateurs. L’exemple le plus courant reste la marque de cosmétique qui paye une Youtubeuse pour tester et mettre en avant un de ses produits. C’est le meilleur moyen d’entrer en relation avec la cible privilégiée des marques : les plus jeunes. Les 13-19 ans passent en moyenne 15 heures sur Internet par semaine et fréquentent en majorité les réseaux sociaux et autres plateformes de divertissements. Ils entretiennent un rapport moindre avec la télévision, la radio ou la presse écrite. Avec l’apparition d’Adblock en 2006 (logiciel permettant de bloquer l’apparition des publicités lors de la navigation), un des derniers moyens de toucher le jeune public s’est effondré.
La solution est alors tout naturellement apparue chez les blogueurs, vidéastes et autres nouvelles célébrités d’internet qui commençaient à prendre en influence. Les marques se sont mises à leur envoyer des échantillons gratuits en échange d’une publicité, un mode de communication qui a depuis beaucoup évolué.
Une nouvelle manière de s’associer
En janvier 2018, Enjoy Phoenix s’est exprimée contre les marques qui lui envoyaient du maquillage pour être mentionnées en vidéo. Ces produits étaient gâchés et cette vision du partenariat ne convenait plus à la vidéaste qui souhaitait s’investir. Sur ce point, beaucoup de créateurs sont tombés d’accord.
Traiter avec un influenceur c’est désormais accepter de le voir jouer un rôle majeur dans sa campagne de communication et l’époque où ils se contentaient « d’ouvrir des cartons » est désormais révolue. Ils ne sont plus simplement le média qui véhiculera un message publicitaire mais des membres à part entière de votre équipe marketing.
Les fans n’appréciaient également pas cette idée du partenariat qui détonnait du contenu habituel et n’apportait rien à la production. Avec le temps c’est devenu le moyen pour le créateur de financer des expériences inédites, comme des tours du Monde pour rencontrer ses abonnés ou des vols en 0G. Pour certains qui s’attaquent à des sujets sensibles (enquête sur des entreprises ou des dérives sociétales), les vidéos sont souvent démonétisées, le partenariat devient donc le moyen de continuer à vivre d’un travail de qualité.
Cyprien et Squeezie ont promu la sortie de nombreux jeux vidéo sur leur chaîne Bigorneaux et Coquillages (autrefois CyprienGaming). Au début, ils se mettaient en scène mêlant humour et expérience gameplay pour préparer la sortie du produit. Ces placements étaient peu assumés et le public s’y montrait quelque peu réfractaire.
Mais après une longue période d’arrêt ils ont repris la création et ont décidé d’imposer leur vision aux contenus sponsorisés. Le partenariat est mieux perçu par la communauté car il n’est pas dissimulé et répond aux habitudes de consommation. Le clip « On se fait un Fifa »atteint ainsi les trente et un millions de vue tandis qu’un partenariat entre Squeezie, Blizzard et d’autres Youtubers, promouvant le jeu Overwatch a presque atteint les soixante millions de vues.
Les marques dépassent ainsi leurs objectifs de promotion grâce à des réalisations que le spectateur apprécie réellement. Les créateurs peuvent quant à eux s’ouvrir à de nouvelles opportunités, aidés d’un budget plus conséquent tout en s’épargnant les réprimandes d’une communauté déçue d’un mauvais partenariat. Tout le monde finit par y trouver son compte. Le spectateur, qui pour une fois appréciera de voir une « publicité », en est le premier impacté et son taux d’engagement augmente.
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